Traitement fiscal français des trusts étrangers : Le Conseil d'Etat affirme l'opacité fiscale

L'évolution récente de la jurisprudence française a réaffirmé l'opacité avec laquelle les trusts étrangers sont traités par la législation fiscale française. Un avis du Conseil d'Etat d'avril 2023 (n° 406825) concernant un trust américain et un arrêt de la Cour d'appel de Toulouse de mai 2022 (n° 21TL00893) concernant un trust australien illustrent la position ferme des autorités françaises sur l'imposition des revenus des trusts perçus par les résidents de France.

L'opacité fiscale en tant que principe juridique

Bien que la notion de trust recouvre des réalités juridiques très diverses au niveau international, le droit fiscal français a adopté une définition et un traitement unifiés. Depuis la modification du code des impôts en 2011, l'article 792-0 bis définit le trust à toutes fins fiscales comme une construction juridique établie en vertu d'un droit étranger au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires et gérée par un trustee.

L'article 120, 9° du code considère tous les revenus distribués par un trust comme des revenus de capitaux mobiliers, quelle que soit la nature des actifs sous-jacents. En conséquence, ces revenus sont imposés entre les mains du bénéficiaire résident français en tant que revenus distribués par une entité étrangère, et non en fonction de leur nature initiale (par exemple, dividendes, intérêts ou plus-values) ou de leur juridiction d'origine.

Le Conseil d'État : Le droit interne prévaut

Dans son avis d'avril 2023, le Conseil d'État a été interrogé sur la question de savoir si la convention fiscale entre la France et les États-Unis empêche la France d'imposer les revenus provenant d'un trust américain révocable, en particulier dans les cas où, en vertu de la législation fiscale américaine, le constituant-bénéficiaire est considéré comme percevant directement les revenus.

Le Conseil a jugé que la convention ne prévalait pas sur l'application des règles fiscales nationales françaises, réaffirmant le principe de subsidiarité : sauf indication contraire expresse, les conventions fiscales répartissent les droits d'imposition entre les pays mais ne modifient pas la classification nationale des revenus. Ainsi, en vertu du droit français, un trust américain est considéré comme fiscalement opaque, et les revenus distribués à un résident français sont imposables en France en tant que revenus d'investissement, quel que soit leur traitement en vertu du droit américain.

La Cour de Toulouse : Une application prudente du traité

Dans une affaire distincte, la Cour d'appel de Toulouse s'est penchée sur la question de savoir si un bénéficiaire résident français d'un trust australien pouvait demander un crédit d'impôt étranger pour l'impôt payé en Australie sur les dividendes reçus par l'intermédiaire du trust.

Le tribunal a confirmé l'imposition française des revenus en vertu de l'article 120, 9° du CGI, mais a refusé l'avoir. Il est intéressant de noter que la décision a appliqué l'article 10 de la convention France-Australie (sur les dividendes), ce qui suggère que le tribunal a soit considéré que le revenu avait conservé son caractère de dividende, soit implicitement reconnu la possibilité d'une transparence. Toutefois, le jugement a soigneusement évité de se prononcer sur la classification du trust et a finalement refusé le crédit pour des raisons techniques, en se concentrant sur la question de savoir qui supportait effectivement l'impôt en Australie.

Implications pour les clients internationaux

Pour les clients détenant des trusts étrangers, en particulier ceux résidant en France, ces décisions ont des implications significatives :

  • La législation fiscale française impose une opacité générale aux trusts étrangers, en imposant les distributions comme si elles étaient effectuées par une entité juridique distincte.

  • Les revenus perdent leur nature et leur source d'origine, à moins qu'ils ne soient protégés par une disposition conventionnelle spécifique.

  • Les conventions fiscales peuvent offrir un allègement limité, selon qu'elles traitent du traitement des fiducies ou qu'elles attribuent des droits d'imposition en fonction de la résidence de la fiducie ou du bénéficiaire.

  • La double imposition reste un risque réel, en particulier lorsque le trust est transparent à l'étranger mais opaque en France.

Chez Bespoke - Tailored Tax Solutions, Thomas Dubanchet conseille ses clients sur les implications fiscales françaises des trusts étrangers, en particulier aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans les juridictions de common law. Que vous soyez constituant, fiduciaire ou bénéficiaire, nous vous aidons à évaluer votre exposition, à aligner vos obligations de déclaration et à structurer vos arrangements afin de réduire les frictions et les incertitudes à travers les frontières.

Si vous envisagez de vous installer en France ou de détenir des actifs internationaux par le biais d'un trust, contactez-nous pour vous assurer que votre structure est conforme, efficace et bien comprise par les autorités fiscales françaises.

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